Paris, Hôtel Chevalier. Jack (Jason Schwartzman), élégant, la trentaine, le regard dans le vide. Un coup de fil imprévu, et son ex-copine, interprétée par une attirante Natalie Portman aux cheveux courts, rentre en scène. Quelques mots, un peu de malaise, et la nature reprend ses droits. « Si je couche avec toi, je me sentirais comme une merde demain matin », dit-elle. « Ca me va », répond Jack.
Ambiance et niveau installés : voilà du Wes Anderson. Commencer son dernier film par un court-métrage, qui plus est d’un vrai chic : nous voilà dans la cour des grands. Treize minutes plus tard, et le film débute. Petite allusion à l’acteur fétiche, Bill Murray, air british dans un taxi indien slalomant. Le businessman rate son train, mais dans un ralenti héroïque, Peter (Adrien Brody) le rattrape. Il retrouve Jack, accompagné du dernier des trois frères, Francis (Owen Wilson). Ca y est, sur les rails, à bord du Darjeeling Limited. Pas d’embrassade, la sobriété est de mise. Francis a organisé le coup, et ne prétexte rien de moins vague qu’un certain « voyage spirituel ». Mais rapidement, les petites tensions refont surface, et les frères Whitman ne sont plus dupes : l’aîné a calculé un rendez-vous avec leur mère, désormais nonne dans un couvent reculé, qui ne donne aucune nouvelle depuis plusieurs années. Quelques embûches se présentent, mais la rencontre doit avoir lieu : il faut lui demander pourquoi, un an plus tôt, elle n’est pas venue aux funérailles du père.
La force du cinéaste et de son film, c’est de réussir à présenter une telle intrigue familiale avec une totale légèreté. A bord du Darjeeling Limited provoque avant tout un sourire charmé chez le spectateur.
La force du cinéaste et de son film, c’est de réussir à présenter une telle intrigue familiale avec une totale légèreté. A bord du Darjeeling Limited provoque avant tout un sourire charmé chez le spectateur. L’humour est omniprésent, mais il repose sur le naturel des personnages, sans jamais ne rien forcer. Anderson peut aussi se vanter d’un casting de haut standing, en particulier avec Jason Schwartzman dans le rôle d’un modeste mais craquant écrivain, romantique, qui ne veut pas s’avouer qu’il raconte sa propre vie dans ce qu’il présente comme ses fictions.
Anderson arrive, avec une simple pellicule, à un sacré résultat. Ce qu’il créé, c’est l’impression de voyage. Ce genre de sentiment entre contemplation et sérénité que les baroudeurs connaissent bien. Adepte des travellings et des plans panoramiques, Anderson n’utilise pas le paysage indien comme un prétexte mais l’installe bel et bien au cœur de l’histoire. A bord du Darjeeling Limited, une déclaration d’amour à la curiosité, un regard bienveillant sur l’humanité, un message d’espoir à une époque où le cynisme est devenu l’ultime processus de refoulement. Wes Anderson joue entre les mailles d’un intellectualisme exagéré et revient à de réelles, nobles émotions. Ne reste plus qu’à plier bagages, et de faire le grand saut. Allez hop, en Inde !
Image courtesy: One Movie Blog